FESSES OU CERVEAU ?

Antoine C.

Juin 2009

 

A la Gloire du Grand Fessier Universel,

Chevalières, Chevaliers,

 

Notre petite planche est à entendre sous l’empire de la loi de 1992 mod. 1997, qui autorise la publicité comparative en tant que mise en comparaison de biens ou services, à dix conditions dont voici les plus contraignantes  :

1) – Être loyal et véridique.

2) – Ne pas induire en erreur le consommateur.

3) – Être objectif.

7) – Ne pas présenter les produits comme l’imitation ou la réplique.

Autant vous avouer derechef que mon propos frisera l’illégalité et lui apposera même des bigoudis.

 

A bas la matière grise ! Vive la matière rose !

Nous le montrerons : le cerveau est un succédané raté du fessier, un mauvais ersatz que le monde contemporain essaie de nous vendre comme l’ultime et sophistiqué rejeton de l’Évolution, que rien ne saurait surpasser. Pourtant, à y regarder de plus près, la matière rose l’emporte haut la main – si je puis dire – sur le pâté tremblotant et grisâtre que nous abritons sous notre toiture.

 

I.A.1.a. – Le cerveau est laid comme un cul de babouin

La comparaison est aisée. Les deux organes ont une structure commune, prenant la forme de deux hémisphères, à la fois séparés et rattachés par une fissure qui est la source de bien des maux dans un cas, et de force plaisirs dans l’autre. Au-delà, la comparaison prend la forme d’un chapelet d’antagonismes.

Le cerveau est d’une laideur infinie, semblable à un vieil et avare cerneau de noix qui aurait tourné en gélatine. Strié de veinules censées l’irriguer, il tient concours du plus grand nombre de circonvolutions, ces horribles ravines corticales dont personne ne voudrait dans son salon, même pour recevoir un importun.

Les fesses, elles, rayonnent d’une beauté et d’une générosité sans limite, telles un abricot pulpeux et doré. Les courbures subtiles de cette drupe sont exaltées par le grain de la peau, que viennent parfois sublimer d’heureux accidents. A-t-on vu grain de beauté ponctuer une cervelle ?

L’un fait grise mine, arbore une face hideuse et grimaçante, quand les autres s’offrent dans un éclat radieux. « Une ride unique » plaisantait Jeanne Calmant ? Non pas ! : l’ange au sourire vertical.

 

I.A.1.b. – Le cerveau est un paranoïaque se tenant en haute estime

Le cerveau n’est qu’une conserve périssable baignant dans son jus, comme une tranche de méduse au naturel. C’est un organe paranoïaque, qui vit continûment dans le noir, et se protège en permanence d’un casque d’ivoire que les motards redondants redoublent d’une coque de plastique molletonné. C’est que Môssieur craint les courants d’air.

Les fesses, d’une nature expansive, ne se suffisent que d’un fin triangle de coton imprimé et d’une caresse d’huile solaire, elles raffolent de l’air libre.

Car ­– vous l’avez compris –,

 

I.A.1.c. – Le cerveau est fragile comme une Rolex de contrefaçon.

Le moindre choc, et c’est un traumatisme ! On pourrit les urgences, on accapare internes et infirmières, on creuse le trou de la Sécu. Alors que, depuis des générations, les fesses se bottent sans dommage. Notez au passage que les coups de pieds au cul sont généralement prodigués, et ceci dans une injustice flagrante mais non dite, lorsque le cerveau a dérapé. Car le sommet de l’évolution déraille (il sort des rails), la machine parfaite déjante (elle sort des jantes), le cerveau déconne !

Comprenez, Chevalières et Chevaliers, que si le cerveau est si fragile, c’est qu’il n’est jamais qu’un vulgaire viscère qui se tapit dans une cavité, un mollusque.

A-t-on déjà ouï évoquer des AVF (Accidents Vasculaires Fessiers) ? Non pas. La fesse ne connaît ni l’épilepsie, ni le coma, à peine quelques ecchymoses en cas de coup dur. La fesse est robuste, et c’est à peine si elle minaude sous la morsure de l’aiguillon.

 

I.A.1….e. – Le cerveau est un usurpateur narcissique

Alors qu’il n’est que laideur organique et consomption atrabilaire, le cerveau jouit d’un intérêt incompréhensible, au détriment de la fesse, parfaite et joyeuse. Les scientifiques, notamment, l’ont élu comme terrain de choix pour leurs expérimentations, se trompant manifestement de cible. Le comble est atteint de la mise en abîme gigogne, quand nos savants étudient le cerveau de l’un des leurs. Ainsi, le viscère cérébral d’Einstein fut plongé dans un bocal, puis distribué en rondelles aux laboratoires. Pourquoi n’a-t-on pas conservé les fesses de Marlène Dietrich dans du formol ? Et pourquoi même – ne soyons pas sectaires – n’expose-t-on pas le popotin de Léonid Brejnev au musée ? Le cul des papes ?

Les artistes, ne s’y sont pas trompés, heureusement, et il existe de fort beaux marbres des hémisphères inférieurs de Diane ou d’Aphrodite.

 

Concluons

La fesse appariée avec symétrie est l’image généreuse d’un monde parfait dont le sillon central ne saurait scinder l’unité. Le cerveau, avec ses deux hémisphères, a été dessiné bien imparfaitement par l’évolution, d’après l’image d’une paire de miches. D’ailleurs, par la perfide action du temps – encore une invention du cerveau –, les fesses prennent la figure une cervelle. L’abricot pulpeux vire au vieux fruit sec. Le cerveau d’un nouveau-né ressemble à s’y méprendre au cul de la momie de Ramsès II.

Double rotondité suave qui se passe volontiers de circonvolutions, et dont la matière rose fut, lors de cette ébauche de triste copiste, sournoisement teintée de gris-neurone.

La fesse est à l’origine du monde. Rien n’est innocent dans son appellation de fondement. Le popotin est la forme archétypale du cosmos. L’univers est un cul, et le cul est un univers.

La Chevalerie du Taste-fesse me tient donc pour la docte académie des experts esthètes et ès-cul du monde et de ses lunes.

Partant, quelle émotion plus intense pour le simple adorateur que je suis, que de me présenter près votre chapitre, en espérant indulgence et hospitalité à mon endroit… et à mon envers.